Oscar & Abel

crépuscule du soir

Oscar & Abel

Crépuscul du Soir

« Oh, par Arceus, Hermione ! »

La kaiminus venait de manquer faire tomber le policier, qui pesta tout bas et passa une main fébrile sur son veston, comme pour en retirer de la poussière imaginaire. Ils s'étaient décidés tous les deux à sortir afin de se dégourdir les jambes - alors même que l'après-midi était bien avancé. C'était surtout sur l'insistance de la petite écailleuse, comme il aimait la surnommer. Véritable boute-en-train plein de vie, elle était parfois fatiguante, et à la manière des enfants hyperactifs, il devait l'amener défouler toute sa vitalité ailleurs que dans sa maison si bien ordonnée. Il la regarda rouler sur elle-même, fouiller dans les buissons sans aucune pudeur, déranger un nid de roucools, tant et si bien qu'il la gronda un peu, un peu fâché d'être aussi, quelque part, amusé de tout ce remue-ménage.

« Hermi, viens-là, ne va pas nous amener une nuée de piafabecs furieux sur le coin du nez » déclara t-il, et il devina devant le museau penaud que la petite ophidienne bleue aurait bien rêvé de se frotter à toute une horde d'oiseaux. Pourtant, quand Abel songeait au mal que de tels rapaces pourraient faire à sa kaiminus, il préféra ne pas songer à ces combats - il refusait même l'idée de la violence. Mais Hermone devenait de plus en plus frénétique, ces derniers temps. Et, peut-être parce qu'il vieillissait, il commençait à rejoindre le point de vue de ceux qui voient en ces combats non seulement un loisir mais une façon de se rapprocher des pokémons. C'était également un argument contre la Team Rocket.

Ce nom, venant à son esprit, le fit s'arrêter et lever les yeux au ciel ; il essuya ses lunettes du coin de la manche de son veston noir de complet, d'un geste nonchalant et hautain. La kaiminus, à quelques mètres, jouait avec un bâton et de la boue. Il l'observa calmement, se demandant en son for intérieur si elle avait bien été enlevée par la Team Rocket, et s'était enfuie jusqu'à son jardin, il y a deux mois, quand il l'avait trouvée. Mystère bien épais que celui-là. Ils reprirent leur marche, et il sentit malgré lui l'air frais et vivifiant lui chasser les idées noires de la tête. Il y avait une odeur humide de pluie, dans l'air, comme si une bruine soudaine avait déjà lavé toute l'humanité de sa pollution.

« Kaimi ! »
« Hermione ? Je ne- qui va là ? » demanda t-il plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu, en pénétrant derrière un taillis d'arbres et en voyant une silhouette qui semblait humaine

Son esprit ne fit qu'un tour, en songeant que ce ne pouvait être que des malfrats. Il n'avait pas son arme sur lui ; les traits de son visage se durcirent et il était prêt à invectiver la personne - un jeune homme, apparemment - quand Hermione lança un petit glapissement ravi. Il se tourna, désespéré - c'était bien ça. Elle venait de trouver une proie sur laquelle passer ses envies de mordiller. Si il le lui ordonnait, cesserait-elle le combat qui allait débuter ?

« Hermione, s'il te plaît. »

Son ton était atone, sa gorge serrée. Mais il n'y pouvait rien ; il s'avança donc pour observer ce combat, et quelque part, une lueur en lui s'alluma. Hermione allait montrer de quoi elle était capable, non ?

Abel & Oscar

Crépuscule du soir

Il avait plu ce matin-là. Tant mieux. Oscar avait pu faire la grasse matinée. En quelques jours, l’appartement qu’il avait loué non loin de la Route 1 s’était transformé en un véritable refuge à Pokémons. Il y avait bien entendu les PCs qui étaient offerts à tout ceux qui possédaient plus de six Pokémons, mais le jeune homme était réticent à leur usage. Il préférait les laisser à l’air libre, et avait du mal à adhérer aux discours de ceux qui prétendaient que les Pokéballs avaient été créées spécialement pour que les Pokémons y soient bien. Tant qu’il n’était pas entré dans une de ces balls lui-même, il resterait sur ses gardes.

Il avait beau avoir ses principes sur la question, Oscar se surprit à regretter presque de ne pas avoir mis ses Pokémons dans leur Pokéball ce matin-là. En effet, se réveiller avec un Nidoran mâle sur la figure n’avait jamais fait partie de ses projets, et le lit était devenu de plus en plus étroit. Il était certes habitué à le partager avec un être humain, mais pas avec six ou sept Pokémons à la fois. Au final, son appartement était devenu un taudis, et il priait pour que le propriétaire ne fasse pas une petite visite surprise. Max le rappela d’ailleurs à l’ordre sur le sujet, mais Oscar voulait simplement dormir. Il s’était couché tard la veille, et préféra glander pendant le reste de la matinée sous prétexte qu’il pleuvait.

L’après-midi en revanche, il n’eut pas cette excuse-là. Alors sous les protestations de son Pokémon, il accepta de sortir un peu. La Route 1 commençait à lui être très familière désormais, mais Max, sa fidèle Osselait, semblait beaucoup l’affectionner. Elle ne tarda pas à sautiller entre les touffes d’herbes qu’ils croisaient et Oscar redoutait le pire. Il ne connaissait que trop bien ses instincts de chasseuse.

– On y va doucement avec l’os, okay ? Je veux pas de problèmes, aujourd’hui.

Car c’était souvent avec la fougue au combat de son Pokémon qu’Oscar s’en attirait. Ce ne serait pas le cas ce jour-ci, il s’en fit la promesse. Même lorsqu’une voix grave et sèche l’interpella. Il émergea d’un massif de hautes herbes, et fit face à un homme, un Kaiminus et un Chenipotte.

– Pardon ?

Est-ce que l’homme en question lui adressait la parole à lui ? Il était bien singulier, en tout cas. Le collectionneur remarqua qu’il n’avait jamais croisé de dresseur avec une telle allure dans le coin. Celui-ci était trop bien habillé et avait l’air trop important pour côtoyer la route 1, celle des dresseurs débutants. Mais peut-être était-ce pour défouler ce Kaiminus surexcité qui attaqua le Chenipotte. Oscar comprit alors, et s’empressa de clarifier la situation.

– Ce n’est pas mon Pokémon.

Il manquerait plus qu’un homme avec une telle dégaine pense qu’il le mettait au défi. C’était la dernière chose qu’il souhaitait, et pourtant, dans l’empressement, il se rendit compte qu’il avait perdu son véritable Pokémon. Heureusement, celle-ci ne se fit pas attendre très longtemps, et bondit sur son épaule pour y prendre appui et faire une galipette dans les airs, os brandi avec élégance. Consterné, le jeune homme ferma les yeux un instant pour se contenir.

– Ca, c’est mon Pokémon.

Max fit tourner joyeusement son os autour de son bras et leva son regard innocent vers l’improbable duo.

Oscar & Abel

Crépuscul du Soir

Malgré toute l'adrénaline qui coulait dans ses vieilles veines rabougries, Abel serra les poings et fronça les sourcils - il songea qu'attaquer un pokémon qui n'était pas à lui n'était guère honorable, et alors que Hermione, qui courait en tous sens derrière un chenipotte qui, selon les dires de l'inconnu, était un pokémon sauvage, il attrapa le cou écailleux de la bête et la souleva de terre ; gesticulante, Hermione grogna à qui-mieux-mieux pour qu'il la lâche, mais il tint bon, grimaçant sous le poids du pokémon. Ce soir, son épaule se souviendrait avec rancune de ce simple geste.

Du regard, il vit le pokémon insecte s'enfuir à toutes pattes dans les plus proches buissons, et du coin de l'oeil, il observa l'inconnu - à présent affublé qui avait fait preuve d'agilité en sautillant tel un chevroum dans les hautes herbes. De toute évidence, la situation s'était mal engagée ; toujours Hermione à la main, Abel posa la seconde sur sa poitrine et salua d'un air très noble et très solenelle - presque comique, même, si l'on situait l'environnement beaucoup trop détendu.

« Kaimi ! Kaiminus ! »
« Veuillez excuser la gêne occasionée, par moi-même ou cette remuante Kaiminus, il n'était pas dans mon intention de vous ennuyer, jeune homme. »

Finalement, voûtant son petit cou de crocodile, Hermione plongea à terre, roula sur elle-même, et dans une folle cabriole, reprit appui sur ses pattes devant le nez de l'osselait. Eberlué - elle n'avait sûrement pas fait attention à autre chose autour d'elle qu'à la chenille qu'elle poursuivait - elle dodelina de la tête, pencha à droite puis à gauche son visage allongé, puis sautilla sur place, ravie de trouver un camarade de chasse.

Dans un soupir, Abel remonta les lunettes sur son nez d'un seul doigt, machinalement et tourna un regard quelque peu fatigué vers le jeune homme. Des salutaions s'imposaient, ne serait-ce que par politesse. Heureusement, il était en tenue de civil - il aurait été bien plus embarrassé en tenue de policier. Néanmoins, dans la poche intérieure de son veston, régnait le badge doré sur fond bleu nuit, tout contre son coeur ; il ne sortait jamais sans, comme on ne penserait pas à sortir sans sa tête. C'était et le symbole de la bataille de sa vie contre l'injustice, et le moyen de répandre la justice.

« Je m'appelle Abel, Abel Boisblanc, et voici Hermione. » Il tendit un doigt, mais suspendit rapidemnt son geste devant la course effrenée de la bête écailleuse derrière un quelconque insece ou rayon de soleil. « J'espère n'avoir nullement interrompu un badinage ou, pire, votre travail » s'inquiéta t-il soudain ; sa voix était calme, sereine, comme un professeur ou un bibliothécaire. Il semblait extrêmement posé, le parfait contraire de la kaiminus. Finalement la petite pokémon d'eau s'arrêta et vint ronronner contre ses jambes, réclamant des câlins et des caresses qu'il lui prodigua en se penchant doucement.

« Nous n'étions venu que pour nous promener, à la base, mais elle rêve depuis quelques temps de se battre »  et il était clair, dans sa voix, qu'il n'appréciait guère ce penchant. « Excusez-moi, je ne sais retenir ma langue » bafouilla t-il, en réalisant qu'il parlait à tord et à travers. Pourtant, il n'avait plus tellement envie de partir que cela ; il faisait bon, l'air était encore humide mais offrait une odeur de fleurs. Il haussa les sourcils, et tendit un index près du jeune homme :« Un pokémon à vous, également ? » demanda t-il en observant un mimitoss d'un regard curieux.

Abel & Oscar

Crépuscule du soir

Loin d’être habitué à ce genre d’énergumène dans le coin, Oscar préférait rester méfiant. Il l’était peut-être de nature, mais on lui avait indiqué que les gens qui arpentaient ces sentiers étaient souvent de jeunes dresseurs avides de premières expériences, comme il l’avait été lui-même quelques jours plus tôt. Le Pokémon particulièrement qu’il traînait pourtant avec lui était loin d’être une menace aux premiers abords, cependant. Peut-être était-il venu l’entraîner ici, mais le jeune collectionneur préférait rester sur ses gardes. Il esquissa cependant un sourire rapidement en entendant le langage soutenu du spécimen.

– Oh vous ne m’ennuyiez pas. Je me promenais avec mon Osselait.

Si du moins l’Osselait en question voulait bien ne pas trop s’éloigner et s’en tenir à la promenade, quoi qu’Oscar n’aurait pas dit non à quelques Pokémons. Doté de plusieurs Pokéballs, il pouvait se le permettre après tout.
Il fronça les sourcils en voyant l’agacement de celui qui prétendit s’appeler Abel. Oscar sortit les mains de ses poches, jugeant que ça devait lui donner une attitude bien trop désinvolte pour quelqu’un qui se présenterait à un homme de ce gabarit-là. Il semblait très propre sur lui et à cheval sur les convenances. Il l’amusait autant qu’il l’intriguait, mais il était persuadé qu’employer l’un de ces termes serait malvenu. Il s’amusa à nouveau de sa remarque, incapable de cacher un sourire, et répondit aussitôt.

– Je m’appelle Oscar Whitlock. Et ça c’est Max.

Il avait tendu le doigt lui aussi pour imiter son aîné et présenter son Pokémon qui, à l’instar du Kaiminus déchaîné, fit tourner son os autour de son bras pour se présenter. Il leva les yeux au ciel, et fut ravi d’en entendre davantage sur cet Abel au patronyme francophone. Un canadien peut-être ? Ou un acadien de sa Louisiane natale ?

– Nan, vous inquiétez pas. Elle est toute petite elle, non ?

Il parlait de Kaiminus. Elle n’avait pas l’air bien grande et avait l’excitation de ces Pokémons qui venaient de sortir de l‘oeuf. Mais lorsqu’Abel l’interpella sur un autre Pokémon derrière lui, il se retourna pour faire face à un Mimitoss.

– Ah, euh… Non, non il n’est pas à moi, lui.

Il se gratta la tête. Devait-il le capturer ?